DANS LA BEAUTÉ JE MARCHERAI
Il y a plein de pensées dans ma tête en ce moment. Je regarde les drames s’intensifier, se succéder sans fin et je me demande où se trouve le juste point d’équilibre entre conscience de la souffrance - qui pourrait bien nous faire sombrer, et nécessité de poursuivre nos vies - ce qui demande tout de même un certain talent de déni. L’objet de ma réflexion étant que ni l’option a. (sombrer) ni l'option b. (nier) ne nous libère de la peur et n’allège les souffrances ; force est de constater que nous sommes collectivement dans une impasse. Notre système de pensée occidental duel (je suis pour ou contre) et arriviste (relisez Balzac pour une remise en perspective) se confronte à une erreur système, sorte de bug géant nous laissant chacun.e avec nos angoisses existentielles.
“Que pouvons-nous faire?” est sans doute la question qui nous taraude le plus en ce moment.
Nous sommes un peu comme des lapins hébétés par des lumières de phares, tétanisés par l’ampleur des drames, la perte de sens et la tournure sans cesse plus tragique des événements.
Et c’est ce qui rend si précieux et crucial pour nous autres modernes déracinés les Sagesses des Peuples Premiers et leurs transmissions.
Ils sont nombreux, ces Peuples, à nous appeler à cultiver la paix, la beauté, l’harmonie (“Hozho” chez les Navajos) en commençant par nous-même - comment ma famille pourrait-elle être en paix si je ne le suis pas moi-même, si je propage dans ma vie quotidienne la peur, l’angoisse, la colère ? Paix qui peut se trouver à travers le Souffle, la connexion à plus grand que Soi, la conscience du Beau en nous et autour de nous, l’entraide, la méditation, les chants sacrés, le mouvement… À chacun.e de cultiver sa voie, pourvu qu’elle nous reconnecte à la joie, à notre humanité et à notre souveraineté.
Ceci étant dit lorsque j’ouvre ma porte (réelle ou virtuelle), le décor n’a pas changé. Que faire de cet état de paix intérieur, personnel, si le reste du monde va mal ? Qu’est-ce qui a encore du sens dans ce gigantesque chaos ? C’est qu’il nous manque dans notre société et dans notre compréhension maladroite des Sagesses ancestrales une pièce essentielle du puzzle : le sentiment d’appartenance à un collectif, que nous avons complètement perdu.
Ce que nous avons gagné en confort individuel et en “liberté”, nous l’avons perdu en sentiment d’être vivant et en humanité. C’est dans la relation aux autres, à tout ce qui m'entoure (“à toutes mes relations”, “O Mitakuye Oyasin”) que je me sens pleinement vivant.e.
Une réponse à cette quête de sens et d’équilibre se dessine : être ensemble. Être en lien.
Chacun d’entre nous détient une Médecine pour l’autre qu’il ignore lui-même. C’est ça la magie du Cercle. Je n’ai pas besoin de savoir ou d’avoir des solutions ; c’est le Cercle, le collectif qui co-créé le soin, fait émerger ce dont nous avons besoin individuellement et collectivement. C’est un écosystème soutenant, réparateur, qui ressource et inspire, qui repose sur le partage de valeurs, l’écoute profonde et le respect mutuel. Il est profondément enraciné sur une terre et “a-capitaliste” (je veux dire sans notion de rentabilité et productivité, sans recherche d’un quelconque profit individuel à travers l’exploitation de ressources humaines ou terrestres - et il y a beaucoup à déconstruire en nous pour y parvenir).
L’importance du collectif (au sens premier et profondément humain du terme donc et non cette version qui exhorte chacun.e à se sentir gourou et à “avoir sa commu”, énième retournement de sens de notre société individualiste) est une réflexion qui chemine en moi, en même temps que je navigue cet océan d'émotions. J’aime bien imaginer le collectif comme une sorte de bouée humaine géante - cette idée fondamentale que nous sommes tou.tes en lien avec tout l’univers. Vous ne coulerez pas si vous êtes soutenu.es par d'autres, si métaphoriquement ou non, on vous tient la main. Ce n’est pas une vision naïve : bien sûr que je me demande que ferais-je si je tenais la main de quelqu’un qui s’oppose à mes croyances ? Il y a tout un apprentissage du vivre ensemble à re-découvrir, nourri par les transmissions des Sagesses des Peuples premiers, et c’est petit pas par petit pas ce que nous explorons dans les Cercles.
L’océan de la vie, avec ces énormes vagues, ne disparaît jamais ; la bouée humaine si.
Mais la beauté de cet océan et de ses incroyables galères est qu’il nous offre la possibilité de découvrir notre propre humanité, notre capacité à créer des liens, des liens qui soutiennent et guérissent.
Et dans la beauté, ainsi nous marcherons…
Maguelone, Journal de bord, juin 2025